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Parcelles de Thau


   Arrivé en mai 2014 sur le territoire de la commune de Marseillan dans l’Hérault, j'ai rapidement été séduit par ces paysages bouleversés par la présence humaine. Essentiellement agricole et touristique, le bassin de Thau vit de la vigne, de la conchyliculture, et du tourisme. Les lumières de mai étaient merveilleuses. J'ai commencé à photographier les lieux. Avant chaque exploration, je prenais des repères sur Google Earth afin de repérer les chemins peu, voire difficilement accessibles sans en connaître l’existence préalable. Bien qu'agréables, ces balades étaient toujours d’un point de vue photographique décevantes. Trop ancrées dans le paysage et pas assez dans le territoire, elles ne traduisaient pas ce que je voulais exprimer. Un matin, alors que je repérais sur écran les chemins à prendre, j'ai eu l'idée de zoomer sur une parcelle, attiré par ses valeurs tonales. J'avais sous les yeux la trace, passée, et actuelle, de l’homme sur son environnement. Les lignes, les dessins, les sillons, marquaient cette activité anthropique. Zoomant et isolant, j'ai parcouru les parcelles qui bordent la lagune de Thau. Chaque parcelle a ses propres limites et permet l'identification d'un territoire dans le territoire même. Les paysages « Googleisés » se sont imposés à moi comme une meilleure représentation de ces espaces que les photographies faites in situ. J'avais saisi qu’en me promenant physiquement, je rentrais dans le paysage et sortais de facto du territoire. « Mes » photographies des lieux sont ainsi devenues des captures d'écran permettant au territoire de rester territoire (évitant l’effet paysage).

 Les espaces alors parcourus visuellement nous proposent un constat écologique d'aménagement et de modification du territoire. Pas de présence humaine, et pourtant, tout est ici trace de l’homme. Parcelles de Thau est un document sur l'histoire d'une lagune et de son environnement, un état des lieux, l’exploitation menée par l'homme sur une décennie ainsi que le montre quelques images doublées de cette exposition. Cet archipel photographique propose bien une mise en abîme du territoire. L’ensemble de mes séries photographiques forme un archipel, au même titre que la somme des images de chaque série constitue également un archipel. Raison pour laquelle Archipel s’est imposé comme titre, un ensemble, un tout, constitué d’unités, de découpes. Les photographies répètent simplement ce que ce territoire est devenu. Telle est l’idée. La capture d'écran oblige à travers les contraintes qu'elle propose (lumière, résolution, inclinaison et multiplicité de possibles cadrages...), de se retrouver réellement dans l'acte photographique.

Quelques points du processus. Je vis, je travaille, j’habite sur ce territoire depuis longtemps (Mario Giacomelli n’a photographié toute sa vie que sa région natale), point d’importance. En suivant, il me faut aller sur le territoire d'Internet pour trouver les images. Et, ultime étape, je zoome sur le globe terrestre à partir de Google Earth pour rejoindre le territoire du Bassin de Thau, et rentrer peu à peu dans les parcelles qui le composent. De territoire en territoire, de parcelle en parcelle, je relève tel un archéologue la trace des hommes qui ont façonné lesdites parcelles.

Ce travail interroge notre rapport avec les nouveaux espaces numériques. Depuis que nous vivons avec les nouvelles technologies, nous sommes rentrés dans la carte. Le GPS nous permet de nous voir évoluer en direct. Nous sommes ce point qui clignote et bouge. Nous sommes la carte. Ce clignotant est une nouvelle preuve de notre existence. Ce point en effet s'éteindra à notre mort. La virtuelle en tous les cas. Il y a certainement aujourd'hui une sorte de devoir à explorer son espace virtuel, savoir se situer dans ce nouvel environnement.

Parallèlement à ce travail photographique, le territoire de Thau est aussi pour moi un espace de performances. J'utilise par exemple du scotch transparent que j'installe dans le paysage. Ces Interventions transparentes modifient le regard que l'on porte sur notre environnement et nous permet de réfléchir sur notre regard.

D'autres performances, simples et légères, elles s’imprègnent de la géographie du paysage. (voir les photos …) Le territoire est cet espace dans lequel tout existe et tout est possible. Il parle de nous, de notre histoire et de notre devenir.

G.Chaplot