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La rue au fil de l'émoi (à propos de l'exposition Passage - 1995)


 L'objectif de Guillaume Chaplot rend visite à la rue dans le mouvement trépidant qu'imposent l'urgence de la circulation et les voies contemporaines de la communication.

A ce rythme de vie, la promenade n'a plus lieu, ni temps d'être pratiquée. Le photographe intervient comme témoin de sa propre vitesse, filant de foulée des marcheurs et figeant dans l'instantané les notes de ses aperçus passagers.

Les êtres humains prennent des allures de fantômes ou de mannequins saisis dans la vibration de leurs gestes, les visages se fondent dans la masse des murs ou du mobilier urbain, à peine relevés par la couleur des cheveux ou par le dessin d'une mimique expressive. Dans le vent de la course, l'image retient le passage d'une grimace, d'une douleur ou parfois même d'une menace.

Ces sentiments qui transparaissent comme une agressivité venue du dehors à l'endroit de celui qui regarde réalisent une peinture du monde qui doit tout à de maîtrise du reportage.
Guillaume Chaplot pose un œil mobile sur une cohue qui ne sait plus regardée et qui dévoile, dans une transparence accentuée par son anonymat, l'indifférence ou de passion momentanée qui le traverse. Disposées parfois en triptyques, les photographies accusent avec plus de soudaineté encore de rencontre inattendue avec les jeux de lumière.

La ligne des bâtiments dégringole dans le brouillas des surfaces parcourues par un regard ébloui et inquiet. Au plus près de sensation visuelle, le photographe enregistre une expérience de vie, qu'il communique avec force d'expression qui nous fait découvrir le monde sous un jour d'ombre et d'ivresse.

Les images manifestent un régime de visibilité accidenté : l'horizon du regard bascule à raison même des signes qui le sollicitent avec violence. Et à défaut de promenade, c'est dans l'esprit de la bousculade que nous, spectateurs, sommes entraînés à contempler notre quotidien, la rue, à travers une forêt de contrastes splendides, selon une rythmique toute personnelle de l'artiste.

Avec cette transcription si personnalisée du paysage urbain, Guillaume Chaplot donne une preuve qu'un reporter peut être aussi peintre de ses émotions.

Robert Pujade

Les tirages de l'exposition on été réalisés par Guillaume Geneste, laboratoire la Chambre Noire, Paris.

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