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Au gré de l'ombre et de ce qui luit


 Une diversité. Voilà ce qui saute aux yeux de qui s’engage dans le parcours photographique de Guillaume Chaplot : rues traversées par les lumières de la nuit, murs peints par des ombres portées, objets insignifiants rendus rarissimes par un cadrage singulier, et des fragments de scènes de vie parsemés de détails concernant les circonstances de faits ignorés d’un chacun et tout cela, admirable, dans le trouble d’une vision qui ne fait que passer.

La photographie, collectrice de sensations, remplace ici la plume d’un journal intime impossible à écrire et pourtant urgent, indispensable pour qui ne veut pas laisser fuir la beauté de la vie, son unité secrète qui se tient cachée dans une architecture esthétique que le regard seul impose à la vue, rendant ainsi possible le tableau du monde.

Alors même que chacune des vues est assortie du nom de la localité géographique où la photo a été prise, on ne saurait retranscrire le cheminement de Guillaume Chaplot : il ne s’agit pas d’un voyage dont les images feraient le reportage, mais d’une balade visuelle qui traverse la France du Nord au Sud, puise des impressions au Brésil, à Cayenne ou en Israël. Ni série, ni séquence, les vues se poursuivent l’une l’autre pour échafauder le plan d’une vision qui semblerait préméditée si l’aléa des rencontres n’était là pour fournir la trame d’une aventure sensible.

Un fil directeur qui ne tient ni au sujet photographié, ni à un ordre temporel, connecte entre elles ces photos et l’on ne saurait dire pourquoi les éclaboussures d’un gobelet renversé précèdent la dentelle noire d’un panti recouvrant la cuisse d’une femme, pourquoi une prise multiple isolée comme un bijou appelle une ruelle de Clermont Ferrand, ou les rayons d’une bibliothèque les persiennes closes d’une habitation de Belém. Une raison intime s’insinue dans le divers de toute matière visible et l’on fréquente alors une contrée que l’on croirait nôtre par le simple fait que le flou, seul acteur véritable de ce film constitué d’épreuves fixes, plonge
dans une attention flottante familière aux flâneries solitaires.

L’art de Guillaume Chaplot, celui qu’il déploie en virtuose et qu’il faudrait décliner dans toutes ses acceptions savantes et ordinaires pour parler de son oeuvre, est l’art du déplacement. C’est par ce procédé qu’il parvient à une Odyssée intérieure, - transport visuel de lueurs en couleurs, de découpures d’ombres en surfaces claires, de taches de lumières en graphismes improvisés par les contours du monde, tous ces objets d’inattention qui font les praticables des scènes de la vie.

Robert Pujade



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